Le mois dernier, la Hadopi a envoyé par la poste plus de 20 000 courriers aux abonnés à internet dont l’accès a été plusieurs fois utilisé pour pirater des films ou de la musique. Un record de plus qui dépasse très largement le précédent.
Les brides sont lâchées. La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a publié ses nouveaux indicateurs chiffrés sur la riposte graduée, qui montrent une véritable explosion du nombre d’avertissements envoyés aux internautes. En juin 2015, la Commission de protection des droits (CPD) a envoyé 21 400 courriers postaux, ce qui dépasse de très loin le précédent record de juin 2013, où 15 700 LRAR avaient été envoyées.
Les courriers papiers sont envoyés par la CPD aux abonnés à internet lorsqu’au moins un premier avertissement leur a déjà été envoyé par e-mail depuis moins de 6 mois.
Jusqu’à récemment, l’Hadopi envoyait systématiquement un courrier recommandé avec accusé de réception, suivant en cela la lettre et l’esprit des prescriptions de l’article L331-25 du code de la propriété intellectuelle, qui dit que lorsqu’elle envoie un second avertissement par e-mail, la CPD « doit assortir cette recommandation d’une lettre remise contre signature« .
Mais depuis avril, la CPD a trouvé une astuce juridique qui lui permet d’envoyer une lettre simple en suivant la lettre de la loi, mais en trahissant son esprit. Rien ne lui permet plus de prouver que la lettre d’avertissement a été reçue par l’abonné, mais l’effet psychologique devrait tout de même jouer à plein, et l’Hadopi réalise de précieuses économies de frais postaux dans un contexte budgétaire de plus en plus tendu. Pour le moment, seule une partie des avertissements sont envoyés en lettre simple. Il est donc possible, voire probable, que le nombre des courriers postaux continue à exploser.
Le nombre des avertissements par e-mail a lui aussi connu un nouveau record en ce mois de juin 2015, qui confirme une tendance générale à la hausse depuis le début de l’année. « Au premier semestre 2015, l’activité de la réponse graduée s’est intensifiée, poursuivant la montée en charge du dispositif mis en place en septembre 2010. La Commission de protection des droits de l’Hadopi traite désormais 50 % des saisines qu’elle reçoit chaque jour (contre 30% auparavant)« , explique la Haute autorité. « Cette hausse d’activité se répercute sur l’ensemble des phases de la procédure, ainsi le nombre de premières recommandations a augmenté de plus de 30% par rapport à la même période l’année dernière« .
La CPD a ainsi envoyé 231 000 courriels aux internautes français en juin 2015, ce qui représente désormais près de 4,9 millions d’avertissements adressés par e-mail depuis les débuts de la riposte graduée en octobre 2010. Malgré cela le piratage reste à un niveau très élevé, sans aucune remise en question politique de la riposte graduée qui continue à coûter plusieurs millions d’euros par an, à la fois aux contribuables et aux ayants droits.
Pouvoirs publics comme ayants-droits craignent tous que suspendre la riposte graduée enverrait aux internautes un signal de légalisation du piratage. Ils se retrouvent donc coincés à entretenir une machine à avertir qui ne sert à rien, qui n’a aucun effet tangible, et qu’ils cherchent toujours à muscler davantage dans un vain espoir de succès.
Il est même de nouveau question d’instaurer une amende en contournant le juge judiciaire, trop respectueux des droits de la défense.
Source: Numerama